Être médaillé aux JO d’été et d’hiver, le défi ambitieux de Maxime Gayet !
Par Thomas BERTIN
Para-triathlète professionnel depuis 2022, Maxime Gayet nourrit de grandes aspirations sportives et espère obtenir une médaille aux Jeux paralympiques de Los Angeles, mais pas seulement. Adepte du ski de fond, le Bellerivois espère aussi triompher aux Jeux de 2030 dans les Alpes françaises. Un double exploit que peu d’athlètes sont parvenus à réaliser.

« Mon objectif, c’est vraiment de marquer l’histoire ». Maxime Gayet, para-triathlète, n’a pas peur des mots pour évoquer son projet colossal. À ce jour, seuls six para-athlètes ont décroché un titre olympique à la fois aux JO d’été et à ceux d’hiver. Dans les années à venir, il compte bien devenir le septième. Une entreprise complexe, mais loin d’effrayer le natif du Mans.
Le monde du para-sport, il le connaît très bien. À sept ans, des médecins lui ont détecté une rétinite pigmentaire congénitale – une maladie dégénérative provoquant des taches au niveau de la vision centrale qui se développent avec le temps, brouillant le champ visuel. La vision périphérique est moins impactée, mais Maxime n’est plus en capacité de distinguer les couleurs, seulement les contrastes (clair ou foncé). Avec les années, le sportif devrait perdre encore en acuité visuelle, sans en perdre la totalité. « Des grands spécialistes, à Londres et à Paris, m’ont dit que je ne serai jamais aveugle », assure l’homme de 23 ans.
« Je faisais à peu près toutes les courses à pied, tout seul avec les valides. J’étais un peu le seul en handisport » Maxime Gayet
Son handicap ne l’a jamais empêché de pratiquer des activités physiques, bien au contraire. Dans ses jeunes années à Tahiti, en Polynésie française, Maxime Gayet baigne dans un environnement sportif. Il touche à de nombreuses disciplines, en passant par le tennis, la voile, le vélo, le badminton, le football, le tennis de table, le surf, le skateboard et la course à pied. Ce dernier sport, il le découvre en classe de première, poussé par son professeur d’histoire et géographie, lui aussi en situation de handicap. Il expérimente différents formats, de deux à 25 kilomètres. Le handisport étant peu développé sur l’île, Maxime Gayet a d’abord concouru avec des valides. « Je faisais à peu près toutes les courses à pied, locales, que ce soit du trail ou de la course sur route, tout seul avec les valides. J’étais un peu le seul en handisport », se souvient le Bellerivois. Malgré ce désavantage, il obtient rapidement des résultats, « avec des podiums à la clé ».
Compétitif, le jeune garçon de l’époque commence naturellement à rêver d’Olympisme. « J’avais vu des reportages sur des athlètes qui étaient malvoyants et qui préparaient les Jeux olympiques. Dès que j’ai vu ça, je me suis dit que c’est la même situation que moi, pourquoi pas moi ? », explique-t-il. À l’aise avec les grandes distances, comme le dix kilomètres et le semi-marathon qui ne sont pas des disciplines olympiques, et « un peu jeune pour faire des choses bien sur le marathon », il se dirige vers le 1500 mètres. Une distance sur laquelle il se perfectionne à son arrivée en métropole, à Paris, à ses 18 ans, en parallèle de ses études de masso-kinésithérapie.
« J’ai commencé à apprendre à nager tout seul, en piscine publique à Paris »
Pour la première fois, il découvre la compétition avec « des personnes en situation de handicap », lors de championnats de France d’athlétisme à Aubière (Puy-de-Dôme). Maxime Gayet ne se sent pas à l’aise sur le sprint et ses ambitions olympiques ne sont pas toujours entendues. « Le coach ne prenait pas en considération mon engagement. Moi, je voulais toujours progresser, aller plus loin, savoir pourquoi je faisais les choses. Être conscient de l’entraînement. La relation coach, ça n’a pas marché », explique le para-triathlète. Une blessure contractée « avec les chocs répétés sur la piste » contraint le natif du Mans à « ne plus courir pendant un mois ».
Dans son malheur, il découvre le para-cyclisme, pratiqué sur un tandem avec un guide à l’avant. Très vite performant, après un an de pratique, il devient champion de France de la discipline en 2021. Ce résultat attire l’attention de la fédération française de triathlon, qui l’invite à passer des détections. Problème : à Tahiti, contre toute attente, Maxime Gayet n’a pas pu développer ses capacités de nageur, la réverbération du soleil polynésien l’empêchant d’immerger sa tête dans l’eau. Le jeune homme avait ainsi un retard à combler sur la partie natation. « J’ai commencé à apprendre à nager tout seul, en piscine publique à Paris. C’était en septembre 2021, pour justement préparer ces détections », indique le natif du Mans. Des efforts payants, puisqu’il parvient à intégrer l’équipe de France relève, antichambre de l’équipe de France élite (plus haut niveau de la fédération de para-triathlon).
« Ça aurait été beau de faire ça à domicile, mais ça ne sera que partie remise »
Après avoir validé sa deuxième année en masso-kinésithérapie en 2022, Maxime Gayet décide de mettre entre parenthèses ses études pour se consacrer pleinement à son sport et à son objectif, participer aux Jeux olympiques de Paris. Son emploi du temps change complètement, avec « six à sept heures de natation, huit à dix heures de vélo et entre 70 et 80 kilomètres de course à pied par semaine ». Les choses s’accélèrent. Il fait ses premières apparitions sur le circuit international en 2023, et s’installe à Bellerive-sur-Allier en fin d’année, où il rejoint Yohann Vincent, champion de France de triathlon 2008.
Troisième para-triathlète français de sa catégorie, il ne peut pourtant prendre part aux Jeux de Paris, barré par une concurrence trop rude. Un événement qui est tout sauf une désillusion pour Maxime Gayet. « Bien sûr, Paris, ça aurait été beau de faire ça à domicile dans mon pays avec un public français, avec toute la famille potentiellement, mais ça ne sera que partie remise. Et puis, ça permet aussi de savourer les choses et de ne pas se lasser ou de se dire que c’est fini et qu’est-ce qu’on fait maintenant », explique le para-triathlète.
Avec les Jeux Paralympiques de 2028 en ligne de mire, il reste un peu plus de trois ans et demi pour le Bellerivois et son équipe pour préparer cette échéance. Mais gare à la concurrence qui pourrait le priver d’une breloque. Selon Yohann Vincent, la catégorie de son protégé est « la plus relevée et celle se rapprochant le plus du niveau des valides ». S’il croit en les capacités de son poulain à monter sur le podium à Los Angeles, le champion de France 2008 rappelle que la densité est très importante, « Maxime peut aussi bien figurer sur le podium que finir sixième ou septième. À ce niveau, ça se joue sur des détails. » Une concurrence rude, loin d’effrayer le concerné, qui a décroché « des top cinq sur des courses, où il y avait les meilleurs mondiaux qui étaient en plus dans leur meilleure forme pour préparer les Jeux de Paris ».
L’équipe de France élite
En mars prochain, il effectuera son tout premier stage en équipe de France élite, deux semaines à Majorque. D’humeur studieuse, Maxime Gayet s’attend « à apprendre auprès des meilleurs du circuit, voir le gap qui [lui] reste à franchir et sur quelles disciplines [il] a encore des axes d’amélioration ». Pour la suite de sa préparation, le Bellerivois espère s’installer « durablement dans le top cinq mondial » ou même « le top trois ».
Jeux d’hiver 2030, nouvel objectif
Après Los Angeles, l’agenda de Maxime Gayet reste très occupé, puisqu’il cultive l’ambition de réaliser une performance aux Jeux olympiques 2030, dans les Alpes françaises, et pourquoi pas de décocher une breloque. Un rêve né en 2021, d’une simple « recherche de plaisir pour les saisons hivernales, découvrir une nouvelle discipline et retrouver les sensations de glisse du surf ». À l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), il a passé des tests concluants. L’intéressé précise que la fédération de para-ski avait « un besoin d’athlètes relèves, et voyait un beau potentiel avec [ses] capacités physiques construites avec le triathlon ».
En ski de fond, Maxime Gayet a gravi les échelons rapidement, comme il a pu le faire avec le triathlon. En deux ans et demi, le protégé de Yohann Vincent est passé des championnats de France de ski de fond à sa première étape de coupe du monde à Val di Fiemme (Alpes italiennes) en janvier dernier, un des sites des Jeux olympiques 2026 de Milan-Cortina. S’il n’a pas scruté les premières places, l’athlète de 23 ans préfère retenir le positif : « C’était idéal, parce que j’ai pu prendre la température avec les meilleurs mondiaux, ceux qui ont gagné aussi les derniers Jeux Paralympiques, dans leur meilleure forme, puisque leurs Jeux, c’est dans un an. »
Pour ne pas empiéter sur la saison de triathlon, Yohann Vincent a fixé un deal avec son poulain. « Il peut faire ses saisons de ski, mais il doit y mettre fin début février », explique l’entraîneur. Maxime Gayet doit ainsi rater une partie de la saison de ski de fond, qui débute en novembre et se termine début avril. Sa participation est aussi conditionnée à ce qu’il puisse avoir accès à un bassin pour « nager tous les deux jours ». Si triathlon et ski de fond n’ont rien à voir au premier abord, il existe une complémentarité entre les deux. La saison de ski permet à Maxime Gayet de continuer à « travailler l’aspect foncier d’une autre façon, de faire une coupure avec le triathlon et sans le côté traumatisant de la course ». Inversement, lorsqu’il est sur sa saison de triathlon, où il continue à travailler la dimension physique.
Aussi à l’aise en biathlon, le natif du Mans hésite encore sur la discipline pour laquelle il pourrait s’aligner dans les Alpes. Le sportif profitera de cette période post-olympique pour peaufiner son aisance au tir, et se donner toutes les chances de participer à la discipline. À noter que le biathlon paralympique est différent de celui des valides. Les tirs s’effectuent tous couchés, avec une carabine laser, et une aide sonore devenant plus aiguë à l’approche de la cible. Les cibles sont situées à dix mètres et non 50 mètres.
Et après 2030 ?
Maxime Gayet aura 29 ans après les jeux paralympiques de 2030. Pas question donc pour lui de s’arrêter là, il nourrit d’autres projets. Il s’avance déjà pour les Jeux de Brisbane en 2032, et « faire du para-triathlon au moins deux fois ». La suite est moins définie, mais il n’est pas en manque d’imagination. « L’idée, c’est de continuer, il y aura après des projets de course à pied, que ça soit sur cinq kilomètres, sur piste, 5 000 mètres, ou sur du marathon. Le marathon, c’est dans mon objectif de vie future. Après, avec l’évolution de l’âge, d’aller sur de l’ultra distance. Sur de l’Ironman 70.3, du full Ironman, tout ça, c’est des choses que j’ai en tête depuis que je suis jeune », annonce le Bellerivois. Pour son entraîneur Yohann Vincent, pas de doutes, « tant que l’envie sera là, Maxime sera en capacité d’être compétitif ».
Thomas Bertin