À l’Orée des Thermes, la danse comme remède à la solitude
Par Marine GADOUD
La résidence pour personnes âgées organise chaque jeudi des soirées dansantes ou musicales. L’occasion pour les pensionnaires de retrouver une seconde jeunesse.

Ce jeudi 18 septembre, à la résidence L’Orée des Thermes, les couloirs vibrent au rythme du madison et aux airs d’Édith Piaf. Dès la fin d’après-midi, les premières notes de musique s’échappent des portes vitrées donnant sur l’avenue Thermale. Les curistes de passage s’arrêtent, intrigués : à l’intérieur, l’ambiance bat son plein, sous les lumières colorées et les éclats de rire. Ce soir-là, les résidents ont troqué leurs pantoufles pour des pas de danse.
Sur la piste, une vingtaine de participants, résidents et invités, se laissent emporter par la voix d’Iza Musica, chanteuse et animatrice. Les résidents ne manquent pas de lui rappeler son talent. « C’est essentiel, c’est sacré de les voir sourire », confie Leïla Terchoune, directrice de l’établissement. Elle observe la scène, un regard attendri. « La danse, la musique ça rassemble vraiment les gens. »
Un rendez-vous devenu rituel
À l’Orée des Thermes, chaque jeudi, c’est le même rituel : une animation ouverte à tous. « Tous les résidents viennent automatiquement, précise la directrice, et chaque semaine, entre dix et vingt personnes de l’extérieur se joignent à eux. » Ces soirées, qu’il s’agisse d’un karaoké, d’un goûter musical ou d’une danse, ont peu à peu transformé le quotidien du lieu. « Elles rendent la vie ici plus agréable, plus vivante », ajoute-t-elle. « Il y a un vrai impact sur leur moral. » Ce soir-là, la salle commune s’est muée en piste de bal. Les chapeaux à paillettes côtoient les boules à facettes, et les tubes d’hier et d’aujourd’hui font danser même les plus timides. Ils se réjouissent à chaque musique ; des duos s’improvisent sur la piste ; d’autres tapent dans leurs mains au rythme des chansons. L’ambiance est bienveillante, joyeuse.
Andrée, 104 ans, infatigable
Au centre de la piste, une silhouette attire les regards. Andrée, 104 ans, fait aussi partie de la danse. La doyenne de la résidence ne passe pas inaperçue. L’air de rien, Andrée esquisse encore quelques pas, aidée par une aide-soignante qui la guide doucement. « Elle aime tellement ça ! » dit celle-ci. « C’est ça, le but, ajoute Leïla Terchoune. Lutter contre l’isolement des personnes âgées, redonner le goût du partage et du lien. Quand on vieillit, on a tendance à se sentir tellement seul. »
« Ces moments-là sont précieux. » C’est en tout cas l’avis de Michel, un résident qui a témoigné en quelques mots entre deux pas de danse : « C’est comme une deuxième jeunesse, ou encore la première qui sait ? » Dans la résidence, ce lien social se cultive tous les jours : repas partagés, ateliers mémoire, sorties culturelles, tout est pensé pour favoriser les échanges.
Une réponse locale à un enjeu national
Ces initiatives ne sont pas anodines. En France, près de 750 000 personnes âgées vivent en situation d’isolement complet, selon le dernier baromètre 2025 des Petits frères des pauvres. Cela signifie qu’elles ne voient quasiment jamais leurs proches ni leurs voisins. D’après la Fondation de France, un quart des plus de 75 ans se sentent seuls régulièrement. L’isolement des seniors ne se limite pas à la solitude physique. Il affecte leur moral, leur santé et leur autonomie.
L’isolement est un vrai fléau social. « Ici (à la résidence, ndlr), on ne prétend pas tout résoudre, mais on agit à notre échelle. Si une soirée peut apporter un peu de joie, c’est déjà beaucoup », souligne la directrice. À travers ces soirées, la résidence s’ouvre aussi sur le quartier. Les habitants viennent, partagent un moment, parfois reviennent la semaine suivante. Ces interactions créent un lien intergénérationnel, une vraie dynamique locale. Ce brassage entre résidents et visiteurs, entre anciens et plus jeunes, permet de briser cette frontière invisible entre « eux » et « nous ».
Mot d’ordre : « convialité »
Alors que la soirée touche à sa fin, les lampions s’éteignent doucement. Les résidents rejoignent leurs chambres, encore souriants. Pour Leïla Terchoune, le mot de la soirée est tout trouvé : « convivialité. » Un mot simple, mais qui résume bien l’esprit de ces rendez-vous du jeudi. Pour les résidents, la danse et la musique étaient surtout des prétextes pour se rassembler et profiter de la soirée. Chacun a retrouvé un souffle de jeunesse et a pris du plaisir à se remémorer des souvenirs d’autrefois.
Marine Gadoud