Virginie Clavel, un retour salvateur à la nature
Par Niels ROOMAN
Au flanc de la côte Saint-Amand, un jardin résiste aux vents qui soufflent sur ce coin de la commune du Vernet. C’est la pépinière de Virginie Clavel. Comme ses plantes, la pépiniériste défie tous les éléments.

En cette après-midi de mars, la colline des Hurlevents porte bien son nom. Depuis 11 ans, Virginie Clavel est nichée sur les hauteurs du Vernet (Allier), où elle a installé sa pépinière. À travers son activité, Virginie a un objectif, « attirer les gens vers le jardin » et, plus généralement, partager les bienfaits de la nature. Ouverts de mars à novembre, « Les jardins des Hurlevents » attirent des clients passionnés de toute la région et au-delà.
Une expertise rare
Il faut dire que la spécialisation de Virginie en plantes vivaces n’est pas commune. « Plus ça va aller, moins il y aura de producteurs comme moi en France », explique-t-elle. Les plantes « sympas, jolies, qu’on ne trouve plus ailleurs » sont tout l’intérêt des « Jardins des Hurlevents ». Le site attire des fidèles et « passionnés de vivaces » grâce au bouche-à-oreille, mais aussi via la communication que Virginie met en place. En parallèle de la pépinière, Virginie est aussi conceptrice de jardins, dans toute l’Auvergne. « Je les dessine comme avec une palette de couleurs », explique la pépiniériste à l’âme d’artiste.
Un passé professionnel hors-sol
Virginie ne pensait pas faire de sa passion un métier. Après une carrière en tant que formatrice dans le milieu socio-culturel, elle a eu besoin d’un retour à la nature. Passionnée par l’art depuis l’enfance, Virginie a intégré l’école des Beaux-arts de Limoges. Elle voulait être photographe. En parallèle d’expériences artistiques en tant que bénévole, la mère de deux filles enchaîne les petits boulots. « J’ai eu plusieurs vies », confie-t-elle. Virginie commence finalement une carrière de formatrice dans le milieu socio-culturel. Après quelques années, la vie de bureau ne lui sourit plus : « Je détestais faire des dossiers qui n’ont plus aucun sens, avec beaucoup de langue de bois. C’est un peu comme la politique. » Virginie ne garde pas sa langue dans sa poche.
Agir plutôt que parler
Lorsque certains parlent, Virginie agit : « Vous voyez, quand on parle de mixité sociale, tout ça, il y a des beaux mots, des beaux discours, mais rien n’est fait. » Avant d’être au chevet des fleurs, la formatrice était au service des gens : « Vous avez beaucoup à porter. Il faut être à la fois assistante sociale, éducateur … Quand ils [les personnes qu’elle a accompagnées, ndlr] reviennent en arrière dans leurs vies, ce sont des moments difficiles pour eux. » Virginie trouve aujourd’hui son bonheur avec les fleurs, qui ne demandent pas moins d’attention.
Remettre la main à la terre
Virginie quitte son ancien travail pour « s’échapper des gens » et retrouver la nature. Amatrice de jardinage, elle passe un BTS production horticole à l’ESA Angers il y a une dizaine d’années, juste avant de lancer sa pépinière. Aujourd’hui, elle retrouve la créativité qui lui a tant manqué dans son ancien métier. « Ça fait le lien avec le sens de l’esthétisme que j’ai toujours eu », commente-t-elle. Elle quitte les tâches hors-sol et prône désormais « le bon sens paysan, le retour aux racines ». Virginie est plus que jamais terre à terre : « Faire des plantes, c’est riche, c’est du vivant… C’est plus concret, je suis dehors, je suis bien […] en symbiose avec la nature… »
Un investissement sans pareil
Avec le sens de la formule qui la caractérise, Virginie résume : « Je me suis toujours investie énormément dans mes métiers, donc du coup autant investir pour soi-même et dans les choses qui vous plaisent. » Virginie estime qu’elle doit « encore tenir quinze ans » avant la retraite. Pourtant, la quinquagénaire ne compte pas s’arrêter. Si physiquement cela devient difficile, elle « s’organiser(a) autrement ». À l’avenir, elle envisage de mettre en place un service de click and collect. Quoi qu’il arrive, Virginie offrira toujours aux visiteurs des Jardins des Hurlevents ce lien à la nature si salvateur.
Pas le temps pour le Puy-de-Dôme
Virginie travaille avec une vue que beaucoup doivent lui envier sur le Puy-de-Dôme. Pourtant, la femme à la main verte « ne le regarde pas trop », par manque de temps. « Ça me fait râler parce qu’il y a du vent. Quand on se pose c’est bien, mais moi je ne me pose pas », affirme Virginie. Contrairement à ce que ses clients peuvent parfois penser, l’entreprise de la quinquagénaire est viable : « Ça me fait vivre, je ne bricole pas. Et pourtant, il faut en vendre de la plante à quatre euros ! »
Si la gérante n’a pas le temps de lever les yeux pour admirer le Puy-de-Dôme, c’est qu’elle travaille, beaucoup. Elle estime mettre la main à la terre près de 60 heures par semaine, et ce de février à juin. Elle s’accorde « cinq semaines de vacances en janvier ». Ses heures de labeur commencent à laisser des traces. Virginie marche dans les allées du jardin en se tenant le dos : « Il faut être fou pour s’installer ici, en pleine pente. » Le choix du site des Hurlevents pour installer une pépinière peut étonner, mais Virginie et son mari ont hérité du terrain sur le flanc de la colline. La proximité avec Vichy est aussi attirante.
Un engagement écologique non-revendiqué mais bien réel
« Je suis écolo mais je ne le dis pas », voilà comment la pépiniériste résume son engagement pour l’environnement. D’avantage tournée vers l’action que vers les belles paroles, la femme de 50 ans n’a « pas fini de citer » ses actions pour préserver la biodiversité : « Je ne suis pas en bio, mais je le suis beaucoup plus que n’importe qui. Je n’ai pas de produits phytosanitaires. » Environ 80 % de ses fleurs n’ont pas besoin d’être arrosées pour pousser.
Anti greenwashing
L’Auvergnate fait aussi attention aux types de plantes qu’elle fait pousser : « La diversité des plants, c’est très important pour l’environnement, puisque chaque plant attire des insectes différents. » La native de Clermont-Ferrand met un point d’honneur à produire « en local » : « on ne les emmène pas en cargo », plaisante-t-elle dans un rire communicatif. Si sa production est écologique, Virginie ne ressent pas le besoin de le dire, « parce que les gens le voient bien ». Elle termine en riant : « Je n’aime pas le greenwashing. »
Pourtant, préserver l’environnement expose aussi à des contraintes : « Ça me fait râler quand même », rigole la pépiniériste. La faune des Hurlevents, des sangliers aux oiseaux en passant par les limaces, s’en donne à cœur joie lorsque le jardin est sur leur chemin. « Des fois les lapins me rendent service, ils taillent les plants », raconte l’Auvergnate amusée. Qu’importent les contraintes, Virginie rend à la nature ce qu’elle lui a apporté.
Niels Rooman