Christophe Baltzer : un homme façonné par le vent

Par Juliette BALTZER

Depuis ses premiers pas bousculés par les rafales normandes jusqu’à ses navigations sous les alizés, Christophe Baltzer a construit sa vie dans le sillage du vent. Pour ce professeur de mathématiques, l’air en mouvement n’est pas un simple élément naturel : c’est une culture familiale et un terrain d’apprentissage.

Un marin sourit à l'appareil depuis son bateau.
Christophe Baltzer revoit sa famille pour la première fois après quarante jours de navigation solitaire entre la Guadeloupe et la Normandie. Crédit : Juliette Baltzer

« Je me souviens du bord de la mer où le vent souffle et m’envole le corps », raconte Christophe Baltzer. Il est âgé de seulement deux ans et se rappelle d’un vent « très fort et tempétueux » contre lequel il n’arrive pas à marcher. Cette image fait partie des premiers souvenirs en Normandie du professeur de mathématiques. Depuis quinze ans, il vit en Guadeloupe et réalise son rêve d’enfant.

« Le vent imprégnait notre maison »

Christophe grandit entre la région parisienne et le Cap de la Hague en Normandie, où il passe ses étés. Sa mère accueille les rafales avec enthousiasme : « Il y a du bon vent. » Ses parents pratiquent la voile. Les terrains de vol à voile structurent aussi son enfance. « On vivait à côté des hangars, chaque été on était en stage, en camping, toujours sur un aérodrome », raconte-t-il. « Tu vois les gens au sol, tu rêves d’être parmi ceux, comme mon père, qui sont en l’air », se remémore-t-il de ses longs étés passés au sol à attendre son tour.

À sept ans, il monte pour la première fois dans un planeur. Dès ses dix ans, Christophe en confectionne en modèle réduit. « Tous les sous de mes anniversaires y passaient », confie-t-il. Chez les Baltzer, le vent est une culture familiale. « Il imprégnait notre maison », se souvient l’enseignant, jusqu’au nom de leur chat, baptisé « Napoléon » en référence au chef pilote du club de planeur de Vauville.

« C’est comme un art »

À ses vingt ans, le professeur de mathématiques décroche son brevet de vol à voile. « C’est un jeu parce qu’on peut perdre. Il faut savoir gérer la hauteur et interpréter la météo », dit-il. « Tu vois la Terre d’en haut. C’est un rêve de voler », explique-t-il émerveillé, évoquant la liberté unique qu’il ressent en communion avec l’air. Son rapport au vent se prolonge naturellement vers la mer. La navigation est nourrie par les histoires de pêche et de mythologie transmises par ses grands-parents. Il pratique la voile sur la Seine. L’idée d’un départ sous les alizés le travaille depuis longtemps.

En 2010, il déménage avec sa famille en Guadeloupe. « Ça faisait une semaine qu’on était ici, j’avais déjà acheté un bateau », dit-il en riant. Presque à l’aveugle, il fait l’acquisition d’un monocoque Aquila de huit mètres. Il navigue en famille, se forme, et prépare pendant dix ans sa première grande traversée sur son voilier, Anjueva. « Je la préparais psychologiquement depuis très longtemps », explique-t-il. En 2020, il traverse l’Atlantique en partant de Vieux-Fort en Guadeloupe jusqu’au Port de Goury, en Normandie, son berceau familial. Il se rappelle des bancs de cétacés « comme une escadrille d’avions » qui escortent son bateau. « Je fais très attention aux voiles. Chercher l’écoulement parfait, c’est comme un art », raconte-t-il passionné.

« Le vent, c’est de la gratitude »

Avec le temps, Christophe développe une relation presque philosophique au vent et à l’air. Chaque matin sur sa terrasse face à la mer, il fait des exercices de respiration pour travailler son apnée. « L’air, c’est donné gratuitement, c’est la plus grande richesse que tu as. » Cette pratique lui apprend à commencer sa journée dans la gratitude. Les périodes sans vent, les « pétoles » comme on dit dans le jargon marin, deviennent pour lui des moments d’acceptation : « Tu es dans la réalité, tu ne peux pas tricher. »

Cet été, il prévoit un stage de parapente dans les Alpes, une discipline qu’il a toujours voulu pratiquer. « Je ne veux pas juste en faire une fois, je veux savoir en faire », affirme-t-il. Il espère même partager cette nouvelle étape avec ses filles. Une manière cohérente de prolonger sa trajectoire : depuis toujours, le vent trace pour lui un chemin qu’il choisit de suivre.

Juliette Baltzer