S’Allier pour sauver le saumon
Par Laura BERTHUIN
La Bretagne a annoncé, début janvier, l’interdiction de la pêche au saumon atlantique pour l’année 2025. Déjà mise en place depuis 1994 dans le département de l’Allier pour assurer la conservation de l’espèce dans la rivière du même nom, cette mesure nécessaire est insuffisante. C’est la raison pour laquelle de nombreux acteurs se mobilisent quotidiennement pour tenter de sauver le saumon dans l’Allier.

Soixante-deux. C’est le nombre de saumons comptabilisés en 2024 à Vichy. Cela représente 11 % de la moyenne annuelle habituelle, d’après les calculs de Loire Grand Migrateurs (Logrami), une association œuvrant pour la gestion et la restauration des populations de poissons migrateurs du bassin Loire-Allier. Si la diminution du nombre des saumons a débuté dans les années cinquante, elle a été fluctuante. « Il y a eu des années, notamment en 2015, où on a dépassé les 1000 saumons, alors qu’à partir de 2019 environ, on est sur cinq années de diminution constante », explique Quentin Marcon, technicien chargé d’étude chez Logrami.
Différents facteurs en sont à l’origine, tels que le réchauffement climatique, la présence d’obstacles sur l’axe Loire-Allier ou encore la menace de nouveaux prédateurs. Plusieurs démarches sont donc mises en place, à différentes échelles, pour faire en sorte d’éviter l’extinction de l’espèce dans le département.
« L’alevinage permet de soutenir, mais pas de pérenniser les populations »
Il y a d’abord l’alevinage. Cette pratique consiste à introduire de jeunes poissons, appelés alevins, dans des plans d’eau afin de renforcer, maintenir ou rétablir les populations de poissons. Elle est utilisée depuis les années 2020 dans le département et a déjà fait ses preuves d’après Quentin Marcon : « Plus on déverse d’alevins, plus les géniteurs sont nombreux les années suivantes. »
S’il s’agit d’un premier pas vers le repeuplement des saumons dans l’Allier, l’alevinage n’est pourtant qu’une solution à court terme : « Cette technique permet de soutenir, mais pas de pérenniser les populations. » Autrement dit, ce n’est pas ce qui constituera une population stable car déverser des alevins, indirectement, appauvrit génétiquement la population, et lui retire cette faculté de remonter les rivières sur plusieurs kilomètres pour sa reproduction.

Une mutualisation des efforts nécessaire
En complément de l’alevinage, d’autres acteurs se mobilisent, pour éviter la disparition du saumon atlantique. C’est le cas de l’Association protectrice du saumon pour le bassin de l’Allier et de la Loire. Louis Sauvadet, son président, témoigne : « Au printemps et en automne, on se déplace sur les barrages équipés de passes à poissons pour vérifier qu’il n’y ait pas des obstacles ; le cas échéant nous les enlevons. » En plus de ces actions de terrain, l’association réalise des interventions dans les écoles et des conférences, afin de sensibiliser à la protection de l’espèce.
Conjointement avec d’autres organismes au sein de la région, des solutions sont pensées afin de faciliter la réintroduction des saumons dans l’Allier, explique le président de l’association. « On peut y arriver ensemble. Par exemple, les problèmes des seuils à la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux [Loir-et-Cher, ndlr], on en a discuté avec EDF et ils nous ont affirmé qu’ils allaient faire quelque chose ». Un projet d’étude a effectivement débuté et deux ans de travaux de réaménagement sont prévus.

« La réglementation fait partie des leviers les plus importants »
Le dernier aspect sur lequel il est possible d’agir pour préserver la population de saumons atlantiques dans l’Allier est celui de la réglementation. Pour Jean-Maxence Ditche, chef du service police de l’Office français de la biodiversité (OFB) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, « elle fait même partie des leviers les plus importants ». Ce dernier a pour mission de contrôler que les passes à poissons, les centrales hydroélectriques et les ouvrages de prélèvement soient conformes aux règles.
Ces mesures ont permis d’améliorer les conditions de migrations des saumons dans toute la région. « On a fait beaucoup de progrès au niveau de la qualité de l’eau et sur l’équipement de quasiment tous les barrages en passes à poissons », se félicite l’agent de l’OFB. Selon lui, aujourd’hui, quand les poissons arrivent jusqu’en Auvergne, il n’y a pas de raison que la reproduction se passe mal. Et d’en conclure : « Il reste quelques pistes qui sont de réduire les pressions en mer, et dans les estuaires. Mais après, sur tout ce qui est modification de la température des océans, le déplacement des courants, il n’y a malheureusement plus personne qui peut agir à ce niveau-là. »
Le chemin à parcourir ne semble donc pas encore terminé pour sauver le saumon dans l’Allier. Pour Louis Sauvadet, il s’agit maintenant de « combiner les efforts au niveau local et national ». Il rappelle que la France a pris des engagements en matière de biodiversité : « Parmi eux il y avait celui de sauver le saumon d’Allier-Loire considéré comme l’une des dernières grandes populations de saumon atlantique migrateur en Europe occidentale ». Si des actions se sont bel et bien concrétisées, comme le réaménagement du barrage de Poutès (Haute-Loire) en 2023, ce n’est pas encore suffisant car seulement 113 saumons ont été comptabilisés cette même année. Ce qui est bien loin des 309 de moyenne recensés ces cinq dernières années par Logrami.
Laura Berthuin