Saint-Colomban : l’interminable bataille du sable
Par Pierrick MOUEZA
À Saint-Colomban, au sud de Nantes (Loire Atlantique), des citoyens se sont réunis au sein d’un collectif. Leur but : défendre les terres environnantes contre les géants du ciment qui tentent d’étendre leurs exploitations de sable.

« La Tête dans le sable ». Voilà le nom de l’association qui lutte pour protéger l’environnement autour de la commune. Annie Le Poulen est l’un des treize coprésidents de l’association, composée de riverains des carrières de sable. Elle a accepté de revenir avec L’Effervescent sur cette véritable bataille du sable qui semble stagner malgré quelques avancées.
Tous se battent contre les géants du ciment. LafargeHolcim, leader du secteur du ciment et GSM, filiale de HeidelbergMaterials, deuxième mondial, possèdent chacun une sablière proche de la ville de Saint-Colomban. Mais leur appétit en sable ne s’arrête pas là.
L’exploitation du sable, un danger écologique
« Le sable […] est la deuxième ressource la plus exploitée dans le monde après l’eau », rappelle le Commissariat général au développement durable (CGDD). « Son extraction, souvent peu réglementée, représente un coût environnemental conséquent », continue l’instance.
À Saint-Colomban, ce coût environnemental se traduit visuellement par l’apparition des nappes phréatiques en surface, sous forme d’étangs. Cela participe à la « fragilisation de la nappe » et entraîne aussi une forte « évaporation », d’après le site du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires. L’environnement autour des sablières n’a donc plus accès à cette eau, ou alors de manière dégradée.

La fin d’exploitation de la sablière de GSM pose aussi question. Une fois le sable épuisé, les entreprises comblent les trous qu’elles ont créés. « Il y a des déchets inertes la plupart du temps », détaille Annie le Poulen. Mais elle doute de la neutralité des matériaux car « toute matière plongée dans l’eau se dégrade forcément », continue la militante.
Une bataille administrative pour l’environnement
Le collectif mène une bataille acharnée contre ces exploitations. Une première victoire pour les militants ? Les deux entreprises présentaient leurs nouveaux projets d’extension de sablières en même temps, mais tout ne s’est pas passé comme prévu.
La mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) a demandé aux deux groupes de mener « une étude d’impact conjointe » au lieu d’une simple étude par chacune des entreprises pour leur propre projet. Cette étude vise à connaître les effets des sablières sur l’environnement.
Lafarge Holcim renonce donc « à son projet d’extension pour l’instant », détaille Annie Le Poulen. Toutefois, elle reste prudente quant à la suite des événements. « Ils se sont peut-être mis d’accord pour que GSM démarre, parce qu’il était urgent de le faire, et que Lafarge revienne après », tempère-t-elle.
Plus récemment, une victoire contre GSM a été actée. « Le tribunal administratif donne raison à l’association dans l’un des dossiers qu’elle a déposé », déclare Annie Le Poulen. « On a fait un recours contre la forme de la concertation préalable à la modification du PLU (plan local d’urbanisme) », continue-t-elle.
Cette décision ralentit donc le projet de GSM. « Ce qui est embêtant c’est que ça ne se joue pas sur une idée de la société mais sur une erreur administrative », déplore la militante.
Au niveau local, cette affaire crée des tensions. Patrick Bertin, le maire de Saint-Colomban, « fulmine face aux attaques de La Tête dans le sable », relevait Ouest France dans un article.
Une ville divisée par le sable
À Saint-Colomban et dans les villes alentours, de nombreuses personnes soutiennent les sablières, perçues comme un atout pour l’activité économique locale. Le collectif peine donc à être entendu. « On passe un peu pour des réactionnaires anti-tout, donc on n’arrive pas à discuter avec les gens de la commune », déplore Annie Le Poulen.
Ici, deux questions se posent. Faut-il soutenir l’exploitation du sable, créatrice d’emplois et de richesse ? Ou bien renoncer à une exploitation qui dégrade l’environnement ?
Au bout du compte, deux camps se forment, comme séparés par une dune de sable qui rend inaudible toute discussion. « Les gens du bâtiment et des travaux publics ne nous aiment pas du tout parce qu’ils considèrent que c’est leur gagne-pain d’avoir du sable à proximité », poursuit Annie Le Poulen. Elle reste compréhensive vis-à-vis de cet argument mais constate que personne ne vient discuter du problème avec le collectif.
Il est donc difficile de dire combien de temps ce statu quo durera.
Pierrick Mouëza