Marc Thiercelin à la barre d’un bateau en bois et fibres naturelles pour le Vendée Globe 2028
Par Niels ROOMAN
Déjà au départ de quatre Vendée Globe, le skipper Marc Thiercelin repart à l’assaut de l’Everest des Mers. Plus d’une décennie à l’écart du microcosme de la course au large, le navigateur de 64 ans cherchait « le bon projet ».

« La dimension environnementale de mon projet est nette. » Le skipper Marc Thiercelin annonce la couleur. Certains concurrents du Vendée Globe 2024 ne sont pas encore arrivés, mais « Captain Marck » ne paie rien pour attendre. Pour son retour aux affaires, le navigateur aux cinq tours du monde attendait « un projet qui correspond[ait] à [ses] valeurs. » C’est chose faite, puisqu’il lance la construction d’un voilier monocoque en bois et en fibres naturelles. L’objectif ultime : le Vendée Globe 2028.
Alors que les monocoques de la classe IMOCA (International Monohull Open Class Association, à laquelle appartiennent les bateaux qui participent entre autres au Vendée Globe) d’hier étaient construits en polyester, ceux d’aujourd’hui sont en fibre de carbone. La construction de ces embarcations de plus en plus rapides représente un coût écologique non négligeable. L’analyse de cycle de vie (ACV) de 11th Hour Racing, en 2023, a démontré que la construction de leur bateau, jusqu’à la mise à l’eau, nécessitait 553 tonnes de CO2, soit l’équivalent carbone de la « consommation électrique annuelle de 100 foyers américains ».
Construire le « premier voilier vraiment très bas carbone »
Le skipper de 64 ans a appris l’ébénisterie et la marqueterie à l’école Boulle, à Paris. Via son nouveau bateau, il compte bien « mettre la filière bois en avant ». L’expert de la « matière noble » rappelle l’évolution de la construction navale : « On a vingt siècles de construction bois, soixante années de construction polyester et trente ans de construction carbone. »
Grâce à ce matériau, Marc Thiercelin et son équipe entendent construire un bateau en consommant 200 tonnes de CO2, soit « trois fois moins que pour un IMOCA carbone ». D’ailleurs, cette nouvelle monture ne devrait pas être totalement exempte de carbone, notamment « pour les parties structurelles comme les cloisons qui doivent être très solides ». C’est aussi le cas du mât, des dérives et des safrans. La quille sera en acier.
La construction des bateaux en fibres de carbone, « chimiques », comme les appelle Marc Thiercelin, implique en fait de « construire deux bateaux » : d’abord le moule, puis la coque, qui prend la forme dudit moule.
Au-delà de « réduire le coût environnemental », la construction d’un bateau en bois est aussi « moins chère de 40 % par rapport à un bateau carbone », selon le skipper conférencier.
Éviter le greenwashing
Celui qu’on surnomme « Captain Marck » ne se définit pas personnellement comme un « militant environnemental ou écolo » mais souhaite tout de même « éviter au maximum la pratique du greenwashing ». Il préfère le terme « d’éveilleur » : « J’aime susciter des vocations. »
Cependant, le bois peut aussi avoir un impact écologique. Le skipper explique donc vouloir s’assurer de « la provenance européenne du bois », notamment du « contreplaqué de bouleau, de cerisiers ou de peupliers », pour régler les émissions de carbone induites par le transport des matériaux.
Pour l’utilisation de la fibre de bambou, Marc Thiercelin et son équipe d’ingénieurs utiliseront l’expertise de Cobratex, une entreprise toulousaine qui travaille également sur le futur avion d’Airbus.
D’après le navigateur, le bois pourrait bien s’imposer dans l’industrie navale à l’avenir. Là encore, une utilisation raisonnée des ressources devra être aux cœurs des chantiers. Les plus grands explorateurs, comme Christophe Colomb ou Fernand de Magellan, naviguaient sur des caravelles en bois. À l’époque, bien que lointaine de notre XXIe siècle, certains observateurs pointaient déjà l’impact de la construction navale sur les forêts.
Bien plus tard, un rapport d’Econav (un réseau national rassemblant les principaux acteurs de la filière de l’éconavigation) relayé par l’Office française de la biodiversité (OFB) soulignait la nécessité de « s’assurer que l’exploitation des forêts se fasse de manière durable ». Parmi les conseils aux professionnels du nautisme figure le fait de « s’attacher à utiliser du bois certifié ». Il existe actuellement deux labels pour certifier qu’un bois est issu d’une forêt gérée durablement : le label FSC (Forest Stewardship Council) et PEFC (Pan-European Forest Certification).
Si les besoins en bois ne sont pas aussi importants aujourd’hui qu’à l’époque de Colomb ou de Magellan, il faudra tout de même veiller à ne pas reproduire les erreurs du passé.
Niels Rooman