Enquête. Loups vs éleveurs nivernais : coexister

Par Léna LAMBERT

En 2024, plus de 350 brebis ont été tuées ou blessées dans la Nièvre à la suite d’une attaque de loup. Le retour du canidé alimente la colère des éleveurs, dans un monde agricole déjà sous tension. Entre actions coups de poing et moyens de protection jugés inefficaces, la cohabitation avec le prédateur divise.   

Des moutons dans leur étable.
Le 16 août 2024, Matthieu Moreau perd 22 brebis lors d’une attaque de troupeau. Crédit : Léna Lambert

Assis à la table de sa cuisine, Matthieu Moreau, 40 ans, dresse le bilan de son année 2024. Le 16 août, un loup s’est introduit sur une de ses parcelles. L’attaque a été d’une violence inédite : plus de vingt brebis ont été décimées en une nuit. Bis repetita en octobre, cette fois-ci, ce sont onze brebis qui sont tuées, et neuf blessées. « Ce n’est pas une perte énorme sur un troupeau de 250 bêtes. Pour moi, ce n’est pas une fatalité », affirme aujourd’hui Matthieu Moreau. Si l’éleveur semble désormais adopter un ton apaisé, il n’en était pas de même au lendemain des deux attaques. Le 14 octobre, le paysan est même allé jusqu’à déposer onze cadavres d’ovins devant la préfecture de la Nièvre avec des confrères, appelant à une réaction des autorités publiques face aux attaques de loup. Cette action, exceptionnelle à l’époque, ne l’est plus tellement aujourd’hui. Le 7 février dernier, des agriculteurs suspendaient des carcasses de brebis devant la sous-préfecture de Château-Chinon. Le 28 novembre 2024, certains se sont même rendus à Paris déposer des dépouilles devant le ministère de la transition écologique. 

Un éleveur apporte un seau dans un bâtiment.
Matthieu Moreau va nourrir ses bêtes. Crédit : Léna Lambert

Plus de 350 bêtes tuées ou blessées

Ces actions coup de poing traduisent une exaspération des éleveurs nivernais, après une année rythmée par les attaques de loups. Selon la Direction départementale des territoires (DDT), 44 attaques imputables au canidé ont été enregistrées sur l’année au 30 novembre 2024, entraînant la mort ou la blessure de plus de 350 brebis. À titre de comparaison, 11 attaques de loups entraînant la mort ou la blessure de plusieurs animaux avaient été enregistrées en 2023. Cette augmentation s’explique principalement par la croissance de la population de loups en France. Alors qu’il avait disparu depuis plusieurs décennies, le prédateur fait son grand retour sur le territoire métropolitain dans les années 1990. Il s’installe alors dans les régions montagneuses, principalement du côté des Alpes. Aujourd’hui, le loup s’est reproduit en masse et déplacé dans la plupart des départements français. 

Des attaques perpétuelles 

Dans la Nièvre, la première attaque a eu lieu en 2017. « C’était dans le Bazois, en bordure ouest du Morvan. Avant ça, on pensait que le retour du loup était impossible chez nous. Avec du recul, je ne suis pas étonné, il y en a peut-être même toujours eu », constate Sylvain Mathieu, président du parc régional naturel (PNR) du Morvan. Au fil des années, il a pu constater une augmentation drastique du nombre d’agressions de troupeaux : « On reçoit une alerte à chaque attaque dans l’une des quatre préfectures de la région. C’est quasiment tous les deux jours. Ça n’arrête pas, c’est partout, et en permanence. » Effectivement, le retour du loup en plaine menace grandement les activités pastorales. Si les éleveurs ont réussi à s’adapter dans les alpages, ce n’est pas le cas partout en France. Les agriculteurs nivernais sont désespérés face à une bête qu’ils ne connaissent pas, et qu’ils n’arrivent pas à comprendre…

Un troupeau de moutons dans un champ.
Dans la Nièvre, la première attaque de loup a eu lieu en 2017. Crédit : Léna Lambert

« Même plusieurs semaines après, on angoisse encore »

« Quand on a subi l’attaque du loup, je ne dormais plus la nuit. C’était au mois de novembre et il faisait encore beau, les bâtiments n’étaient pas prêts pour qu’on rentre les bêtes », se souvient Julie Cadiot, agricultrice à Challuy (58). Installée sur 330 hectares, elle est spécialisée dans l’élevage de bovins et de volailles. L’exploitante fait partie des premières du département à avoir subi une attaque de loup sur un troupeau de vaches. « Je pense que cinq veaux ont été mangés. Je ne sais pas exactement car les mères ont vêlé la nuit, et nous n’avons pas retrouvé les petits le matin. Une génisse a également été tuée », explique l’agricultrice de 33 ans. Comme le veut la procédure en cas d’attaque de troupeau, l’Office français de la biodiversité (OFB) est venu sur place constater les dégâts. « L’objectif était de nous confirmer qu’il s’agissait bien du loup et pas d’un chien errant. C’est important que cela soit reconnu, pour les indemnisations », précise Julie Cadiot. Finalement, l’éleveuse a seulement perçu des aides pour la génisse, les preuves sur les veaux étant insuffisantes. 

« L’attaque du loup représente des pertes importantes pour nous. Un veau de perdu, c’est 1 500 euros. Je suis également obligée de vendre la mère, car elle ne me rapporte plus rien sans son petit », déplore l’agricultrice. Après l’attaque, elle a pris la décision de rentrer ses bêtes en stabulations pour éviter davantage de dégâts. « C’est énormément de stress de rentrer le troupeau tous les soirs. Même plusieurs semaines après, on angoisse encore car on sait que le loup n’est pas parti. Lorsque l’on va devoir lâcher les petits veaux dehors au printemps, ça va être un vrai carnage », redoute Julie Cadiot. 

Des moyens de protection jugés inefficaces 

Face à cette augmentation significative du nombre d’attaques, plusieurs moyens de protection ont été mis en place. Problème : ces solutions sont souvent difficiles d’accès, et pas suffisamment efficaces selon de nombreux éleveurs. Il existe par exemple des filets de protection censés empêcher le loup d’atteindre le troupeau, mais il faut déjà avoir été prédaté pour en bénéficier. Une fois le filet installé, l’agriculteur peut obtenir un arrêté « tir de défense ». Selon les situations, un louvetier ou l’éleveur lui-même sont autorisés à tirer sur le loup si ce dernier se trouve sur une parcelle concernée par l’arrêté. « Nous avons eu un arrêté de tir jusqu’à la fin de l’année 2024, mais ça ne sert à rien. Le loup est malin, on ne le voit jamais », explique Julie Cadiot.

Réussir à voir le canidé demande effectivement des heures de surveillance. Les louvetiers missionnés passent généralement plusieurs nuits à attendre le loup, et ne l’aperçoivent pas toujours sur la bonne parcelle. Dans ce cas, impossible de le tuer, même s’il ne se trouve qu’à quelques dizaines de mètres de la zone de tir autorisée. « En plus, obtenir ces moyens de protection demande de nombreuses démarches administratives. Les éleveurs sont fatigués, déjà que la filière du mouton n’est pas très rémunératrice, le loup, c’est la goutte de trop », constate Sylvain Mathieu. Les attaques de troupeau arrivent effectivement dans un contexte agricole très tendu. Entre le traité de libre-échange avec les pays du marché commun sud-américain Mercosur et la fièvre catarrhale ovine (la FCO, maladie virale s’attaquant principalement aux moutons), beaucoup d’éleveurs voient le loup comme un ultime coup de massue. Du côté des syndicats agricoles, le temps est à la revendication… 

Des moutons dans l'étable.
Les attaques de loup représentent des pertes financières conséquentes pour les éleveurs. Crédit : Léna Lambert

Des mesures insuffisantes pour les éleveurs  

« Ce qu’on demande, c’est une facilité de financement pour la protection de nos animaux, sans que cela soit des dossiers difficiles à monter. Une amélioration sur la transmission d’informations aux éleveurs est également indispensable, ainsi qu’une augmentation des effectifs de louvetiers ». À 35 ans, Lucile Champagne est la porte-parole de la Confédération paysanne de la Nièvre. Éleveuse à Dornes (58), elle accompagne les éleveurs attaqués par le loup et milite auprès des institutions pour un meilleur accompagnement des agriculteurs. « Les instances ne nous écoutent pas assez, malgré les efforts qui ont été faits en termes de communication dans la Nièvre », résume la syndicaliste.

Pour soutenir les éleveurs face aux attaques de loups, l’État a mis en place depuis 2024 un nouveau Plan national d’action (PNA). Les conditions des tirs de défense ont ainsi été assouplies, de même que les procédures d’indemnisation. Cependant, sur le terrain, les agriculteurs sont loin d’être satisfaits. « Le PNA est à retravailler. C’est bien car il propose des solutions au niveau national, mais il faut que l’État le décline en plans départementaux adaptables », revendique Lucile Champagne.  

Des éleveurs dans le flou  

Effectivement, le PNA ne prend pas en compte les spécificités de chaque région. Certaines solutions proposées ne sont donc pas toujours applicables, selon les territoires. « On nous incite à prendre des chiens de protection et à rentrer les brebis le soir. Ça, c’est possible dans les alpages, quand l’éleveur n’a qu’un lot de bêtes, mais ici, quand on en a six, dix, ou vingt on fait comment ? », se plaint Olivier Laporte, éleveur, et chargé de prédation à la FDSEA 58. Effectivement, contrairement aux territoires montagneux, les parcelles nivernaises sont extrêmement morcelées. Les brebis sont alors divisées entre les différents terrains, certains espacés de plusieurs dizaines de kilomètres. Difficile alors de faire garder les bêtes par un seul patou (chien de protection) et de les rentrer tous les soirs.

« Le problème, c’est qu’en tant qu’éleveur, nous devons constamment nous défendre contre un loup qu’on ne connaît pas. Personne ne nous aide à comprendre comment il fonctionne, notamment du côté de l’État, qui va constamment à reculons », constate Olivier Laporte, qui s’implique auprès des agriculteurs attaqués. « Je me bats pour faire évoluer les choses. Je discute avec la préfecture et la DDT pour apporter aux éleveurs les réponses qu’ils attendent », explique le syndiqué. 

Un manque de transparence des institutions 

Effectivement, le dialogue est parfois tendu entre agriculteurs et institutions publiques. Les exploitants attendent plus d’honnêteté de la préfecture, qui reste très vague sur la présence du prédateur dans le département. « C’est un sujet tabou, l’État ne veut pas trop l’ébruiter et minimise le nombre de loups. On a encore vu plusieurs louveteaux récemment dans les alentours de Saint-Parize-le-Châtel. J’aurais voulu avoir une photo pour leur prouver que nous avons raison », soutient Olivier Laporte. Effectivement, de nombreux témoignages rapportent avoir vu le loup à différents endroits de la Nièvre. 

Du côté de l’OFB, les moyens sont insuffisants, ce qui rend une estimation du nombre de loups dans la Nièvre quasi impossible. Pour justifier cela, la préfecture affirme qu’aucune meute de loups n’est implantée dans la Nièvre : le canidé est seulement « de passage », ce qui rend son recensement infaisable. Trouver des informations sur le prédateur est donc extrêmement difficile, et quand ces dernières existent, elles ne sont pas toujours claires. 

Loup ou chien-loup ? 

Le 14 juillet 2024, une voiture écrase un canidé. Après être venu constater les faits sur place, l’OFB conclut qu’il n’a pas pu confirmer l’identification de l’espèce, sans donner plus d’informations. Pour certains éleveurs, cette manière de procéder est insupportable : comment est-il possible de ne pas savoir reconnaître un loup alors qu’il est sous nos yeux ? Si l’OFB reste aussi vague, c’est qu’il existe des croisements entre chiens et loups. Lorsqu’il s’agit d’un tel animal croisé, celui-ci n’est pas considéré comme un loup, même s’il en a tout l’air en apparence. Pourtant, le croisement du canidé ne l’empêche pas de s’attaquer aux troupeaux. Rien ne change donc pour les éleveurs, à un détail près : les indemnisations perçues. En effet, un chien-loup est considéré comme un animal domestique. En cas d’attaque, l’éleveur ne perçoit donc aucun dédommagement.  

Pour lutter contre cette absence de transparence, l’Observatoire du loup recoupe lui-même les informations concernant le prédateur. Selon les spécialistes de l’association, le constat est sans appel : le loup est implanté dans la Nièvre et sa reproduction est avérée. Il y aurait ainsi cinq loups au minimum dans le département. Ces données ne sont cependant pas confirmées par les institutions locales, ce qui énerve les éleveurs dans l’attente d’une meilleure reconnaissance de la présence du loup. Les agriculteurs sont cependant conscients du peu de leviers dont dispose la préfecture pour faire évoluer les choses. « C’est difficile de travailler avec les instances nivernaises, mais je sais qu’elles font ce qu’elles peuvent, beaucoup de lois sont décidées au niveau national, voire européen », admet Lucile Champagne. 

Des moutons dans l'étable.
Selon l’Observatoire du loup, cinq loups seraient présents dans la Nièvre. Crédit : Léna Lambert

L’Europe, un acteur majeur 

Effectivement, l’Europe joue un rôle important dans la sauvegarde du loup, et la France est de ce fait soumise à certaines obligations. En décembre 2024, les États membres de la Convention de Berne ont tout de même voté en faveur d’un déclassement du statut du loup, faisant passer l’espèce de « strictement protégée » à « protégée ». Cette rétrogradation implique que la gestion de l’espèce se fera davantage au niveau national. Elle permet également la généralisation des tirs, selon des règles définies par les États. Rien ne garantit cependant que cela change quelque chose pour l’Hexagone, qui autorisait déjà les tirs de défense avec dérogation, comme évoqué précédemment. La Convention de Berne suit ainsi la même logique que la France, en prenant des mesures visant à répondre à la colère agricole.      

Toutefois, de nombreuses associations remettent en question l’efficacité des tirs contre les attaques de troupeaux. Effectivement, tuer un mâle dominant pourrait déstructurer la meute, et ainsi inciter des loups isolés à attaquer plus fréquemment. En d’autres termes, autoriser les tirs de défense reviendrait à aggraver la situation actuelle. Certains organismes de protection de l’environnement tentent ainsi de trouver de nouvelles solutions pour les agriculteurs.

Une cohabitation en construction ? 

« C’est très difficile pour nous aujourd’hui, on ne nous écoute pas. Le meilleur exemple pour illustrer cela est le déclassement du loup au niveau européen », déplore Sylvie Cardona, 55 ans, bénévole au sein de l’association AVES France, qui lutte pour la protection de la nature et de la faune. « Je m’occupe principalement du dossier loup au sein du bureau local. Nous sommes là pour proposer la cohabitation la plus apaisée possible entre le monde de l’élevage et les prédateurs », explique Sylvie Cardona. Pour atteindre cet objectif, l’association utilise différents leviers : le lobbying auprès des parlementaires, la sensibilisation des populations, et les actions de terrain.

Pour cela, la bénévole travaille avec les Cotet, famille d’éleveurs dans la Nièvre. Ensemble, ils mettent en place des moyens de protection, pour conjuguer présence du loup et élevage pérenne. Le fils, Christophe, a repris l’exploitation de sa mère, Nadine, en 2022. Gérard Cotet, le père, a toujours travaillé sur l’exploitation, et continue de s’y impliquer depuis sa retraite. « L’association nous aide à financer les clôtures fixes, car la DDT donne seulement des subventions pour les clôtures électriques », explique Gérard Cotet. Avant l’arrivée d’AVES France, l’agriculteur était déjà un précurseur dans la mise en place de moyens de protection dans la Nièvre. 

La solution des chiens de troupeau 

« La première attaque de loup ici a eu lieu en 2017. On a réagi immédiatement : je me suis formé pour avoir un chien de troupeau, et nous avons acheté le premier en 2019. Nous avons donc six ans d’avance sur les autres », explique l’éleveur. Effectivement, pour protéger ses bêtes, Gérard Cotet s’est entouré de bergers d’Asie centrale. Il en possède cinq pour le moment, mais son objectif est d’arriver à huit, soit deux par lot de brebis. Éduquer ces chiens demande beaucoup de temps : il faut deux ans pour qu’ils soient efficaces, et quatre ans pour être complètement formés. « On récupère le chien le plus vite possible et on le met dans le troupeau. Le but, c’est de leur apprendre la sociabilisation. On les met au contact de certaines odeurs, comme celles des randonneurs, mais aussi de bruits, comme celui du vélo ou de la chasse », développe Gérard Cotet.

Le prochain objectif de l’éleveur est de faire naître sa première portée de bergers d’Asie centrale au troupeau. C’est la meilleure manière pour que le chien devienne un moyen de protection réellement efficace : dès que le chiot ouvre les yeux, il est directement au contact de ses moutons. L’apprentissage est alors beaucoup plus simple. Posséder un chien de troupeau représente tout de même de nombreuses contraintes et responsabilités, que cela soit au niveau de la formation ou des conflits avec le voisinage et les promeneurs.   

La tête d'un chien parmi celles des moutons.
Il faut quatre ans pour qu’un chien de troupeau soit complètement formé. Crédit : Gérard Cotet

Diverses autres solutions 

« Le problème, c’est qu’ici, les gens ne sont pas habitués à voir des gros chiens comme les nôtres. Mais il faut faire comprendre aux habitants que la situation a changé, nous n’avons pas d’autre choix que de nous protéger »,soutient Gérard Cotet. En complément de ses bergers d’Asie centrale, l’agriculteur s’est équipé de nombreux autres moyens de protection. Certaines de ses bêtes sont par exemple équipées de clochettes pour prévenir le chien en cas d’excitation du troupeau. « C’est un moyen de protection important, comme les Turbo Fladry, qui sont des fils électriques que nous mettons proches du sol pour effaroucher les prédateurs », détaille Gérard Cotet. 

Deux éleveurs caressent le chien de travail.
Gérard Cotet conjugue divers moyens de protection. Crédit : Léna Lambert

Ces diverses solutions semblent pour le moment faire leurs preuves. Effectivement, aucune attaque n’a été déplorée chez l’éleveur depuis leur mise en place, alors que certains troupeaux ont été touchés à quelques kilomètres à peine. « Bien sûr que la cohabitation entre loups et élevage est possible. Le souci actuellement c’est que les moyens de protection ne sont pas mis en place de manière systématique, et quand ils le sont, ce n’est pas fait correctement », déplore Sylvie Cardona.

Effectivement, peu nombreux sont les éleveurs qui conjuguent divers moyens de protection. Chez certains, les clôtures ne dépassent pas un mètre de hauteur, ce qui n’empêche évidemment pas le loup d’atteindre le troupeau. Le retour du canidé n’a pas été anticipé dans les départements comme la Nièvre, si bien que les éleveurs ne savent toujours pas comment bien se protéger. Le temps et le coût d’installation des moyens de protection sont également des facteurs à prendre en compte dans cette difficile adaptation.  

Des éleveurs épuisés

« Moi je monte mes clôtures, mais c’est un travail de retraité. Un éleveur tout seul n’arriverait pas à faire ça. Même le travail de dressage des chiens, ça demande un temps fou », admet Gérard Cotet. Les limites de la cohabitation existent donc bien pour les agriculteurs, qui n’ont pas toujours les moyens de se protéger. 

Pour beaucoup, conjuguer élevage et présence du loup est impossible. Ceux pour qui les ovins ne représentent qu’une petite part de leur activité songent parfois à vendre leur troupeau. Les éleveurs proches de la retraite sont également de plus en plus nombreux à abandonner leurs brebis, et terminent leur carrière en vendant foin ou céréales. « On n’est pas au point de se dire qu’on arrête, parce que si tous les éleveurs de moutons le font, le loup ira voir du côté des bovins. Mais c’est vrai que la situation est délicate, on se pose la question de la pérennité de notre activité », conclut Lucile Champagne. 

La situation est par ailleurs loin de s’arranger. Depuis 2025, près d’une trentaine d’attaques de loups ont été recensées dans la Nièvre. « Dans tous les cas, le loup est là et il doit manger, donc il va falloir s’adapter. Si on ne le fait pas, il faudra accepter de lui donner un pourcentage de notre cheptel tous les ans », résume Gérard Cotet avant d’ajouter : « Le terme cohabitation n’est pas le bon. Les rapports seront toujours tendus. Faire s’affronter un loup et un chien, ce n’est pas une situation apaisée. Lier la présence du loup et l’élevage c’est possible, mais le mot, c’est la coexistence. Et c’est vers ça qu’il faut qu’on tende : coexister »

Léna Lambert