De la gestion forestière à l’adaptation climatique : Les Caucoteries, un modèle en évolution

Par Juliette BALTZER

Après quarante ans de carrière dédiée à la gestion sylvicole, Thomas Formery, désormais retraité, consacre tout son temps à la gestion de la forêt qu’il a acquise. Avec l’aide de sa femme, il applique un plan de gestion visant à développer et renouveler son domaine et à faire face aux nombreux défis quotidiens.

Un sanglier en forêt.
Un sanglier cherche de la nourriture dans “Les Caucoteries”, près d’un tas de bois coupé. Crédit : D. R.

« Par passion, j’ai consacré toute ma carrière à la forêt », raconte Thomas Formery. Après six années d’études forestières, il a consacré ses 40 ans de vie professionnelle à la gestion sylvicole. Anciennement directeur de l’IDF (Institut pour le développement forestier) et du CNPF (Centre national de la propriété forestière), le passionné de nature gère une forêt de 25 hectares depuis 1995. Situé dans le Cher, le domaine se nomme « Les Caucoteries ».

Gérer une forêt de manière durable

Thomas Formery et sa femme Martine ont choisi de gérer leur forêt de manière durable. Le forestier a ainsi créé un plan de gestion, « tentant de respecter l’équilibre naturel, le développement et le renouvellement du bois ». « Il définit pour les quinze ans à venir ce qu’on fait dans chaque parcelle en matière de travaux et de coupes de bois », explique-t-il.

« Nous, les forestiers, sommes très inquiets »

Les défis ne manquent pas pour les forestiers, entre obstacles techniques, parasitaires et climatiques. « Pour nous les forestiers, le changement climatique est un défi majeur, nous sommes très inquiets », lance le propriétaire, âgé de 71 ans. L’année 2024, particulièrement humide, a été marquée par la disparition presque totale de ses chênes et châtaigniers.

« Le climat sec affaiblit les arbres, rendant leur résistance aux parasites plus fragile. Un épicéa en bonne santé survivrait normalement, mais là, il succombe », explique-t-il. « Les arbres s’adaptent, mais là, le réchauffement climatique va trop vite, les forêts ne pourront pas s’adapter », conclut désespérément Thomas Formery.

Autre difficulté pour les forestiers : l’augmentation de la population de cervidés. « Les animaux mangent tout ce qu’ils trouvent et parfois, ce sont les plants qu’on a installés, explique le propriétaire. Aux mois de juin et juillet, quand les bois des cerfs enveloppés de velours tombent, l’animal se gratte sur les arbres et, par sa puissance, il parvient à les casser. » Il explique ce phénomène par l’absence de prédateurs pour réguler ces populations.

Diversification, migration assistée : quelles solutions ?

Pour faire face à ces défis, Thomas Formery et d’autres forestiers misent sur la diversification des espèces. Par exemple, ils privilégient désormais le chêne sessile, plus adapté à la chaleur que le chêne pédonculé. « On fait des essais et on voit ce que ça donne », raconte l’ancien directeur de l’IDF. Parmi ses « paris sur l’avenir », il explore la possibilité d’introduire des arbres provenant de régions plus chaudes, comme la Turquie, pour tester leur résistance dans les forêts françaises.

Une autre approche est la migration assistée, qui consiste à planter au sein des forêts des essences plus adaptées aux futures conditions climatiques. Par exemple, le chêne, dont les graines sont trop lourdes pour être dispersées sur de longues distances, peut bénéficier de cette aide pour assurer sa pérennité.

Gestion durable ou réensauvagement : un désaccord familial

Si Thomas Formery et sa fille Agathe partagent une passion commune pour la nature, ils ne s’accordent pas sur le réensauvagement. Celui-ci consiste, par exemple, à supprimer des barrages, à remettre en état des zones humides, à laisser une forêt évoluer naturellement ou à restaurer des corridors biologiques.

Agathe, membre de l’ASPAS (Association pour la Protection des Animaux Sauvages), soutient cette pratique et a même fait un don pour réensauvager un terrain du Parc du Vercors. Elle souhaite « rendre la nature à la nature ». Opposé aux discours écologistes qui déclarent que couper un arbre est un crime, le propriétaire forestier, quant à lui, estime que, sans entretien, la forêt se ferme, plongeant la faune et la flore dans l’obscurité, ce qui empêche la végétation de se développer.

Thomas Formery souligne aussi l’importance économique des forêts pour ceux qui en vivent. « C’est essentiel pour éviter la désertification », argumente-t-il. Agathe, en revanche, pense que l’Homme possède déjà une grande quantité de territoires sur la planète, et qu’il peut donc en laisser à la nature. « J’ai du mal à accepter que l’Homme considère la nature comme un terrain à exploiter », avoue-t-elle. « En gérant la forêt de façon durable, on permet une biodiversité permanente, impossible naturellement », conclut le forestier.

Juliette Baltzer