« Ça déséquilibre tout » : la menace des frelons asiatiques
Par Jade BELLEVILLE
Cela fait 20 ans que le frelon asiatique est en France, et depuis 20 ans, il représente une menace pour l’apiculture. Il est notamment devenu un danger majeur pour les abeilles bourbonnaises. Son manque de prédateurs et sa vitesse de propagation rendent le combat difficile.

« C’est un déséquilibre dans l’environnement. Il y a des prédateurs qui arrivent dans un nouveau pays, le temps qu’ils fassent leur place, ça déséquilibre tout. » Aux yeux de Pierre Mansier, vice-président du Groupement de défense sanitaire apicole de l’Allier (GDSA) et apiculteur, le frelon asiatique est devenu un danger majeur pour les abeilles européennes, dites abeilles mellifères, depuis son arrivée par accident en 2004. L’Auvergne-Rhône-Alpes étant la première région apicole de France, avec ses 13 128 apiculteurs selon la direction générale de l’alimentation (DGAL), l’enjeu est d’autant plus important pour le territoire.
Benoit du Reau est apiculteur et anime des ateliers pédagogiques sur l’apiculture à Vichy. Lui aussi déplore les dégâts liés aux frelons asiatiques. « Le frelon fait du vol stationnaire et il se met en face de la ruche, explique-t-il. Il attend les abeilles qui rentrent, elles reviennent [après être allées] chercher du pollen, du nectar ou de l’eau donc elles sont très fatiguées et sont des cibles faciles. » Le frelon asiatique s’attaque aux abeilles pour une raison : avoir un apport en protéines. Au début de l’été, les reines frelons asiatiques vont pondre des larves et, pour les nourrir, leurs sujets vont à la chasse aux protéines. Selon Pierre Mansier, « suivant la richesse du milieu dans lequel vit le frelon asiatique, son alimentation en protéines peut être constituée pour 30 % à 60 % d’abeilles ».
Une menace difficile à combattre
Parallèlement, le frelon asiatique est un insecte compliqué à combattre. « Éradiquer les frelons asiatiques, c’est mission impossible », dénonce Pierre Mansier. Un constat confirmé par Benoît du Reau : « On ne pourra pas l’éradiquer de façon totale parce que le frelon n’a pas de prédateurs. » De plus, le frelon asiatique se propage à une vitesse élevée ce qui rend encore plus difficile la lutte contre cet insecte. « Pendant l’automne, dans chaque nid, il y a une soixantaine de reines fondatrices. Elles sortent du nid et vont se nicher dans une pierre, et vont y survivre pendant tout l’hiver. Ensuite, chaque reine va former un nid avec de nouvelles reines fondatrices », explique Benoît du Reau.
Autre problème, les abeilles mellifères n’ont pas encore mis en place de stratégies pour s’adapter à cette nouvelle menace. Les abeilles asiatiques cohabitent depuis des millions d’années avec les frelons asiatiques, elles ont donc adopté des systèmes de défenses. « Nos abeilles, cela fait plus d’une dizaine d’années qu’elles sont attaquées par les frelons asiatiques. Il leur faudrait des millions d’années pour s’adapter et arriver à se défendre », explique Pierre Mansier.
Cela ne veut pas dire que les abeilles mellifères sont totalement sans défense. Benoit Du Reau a mis en œuvre des plans d’action pour aider ses abeilles. « Ce que j’ai fait, c’est que j’ai agrandi la planche d’envol parce que j’ai remarqué que les abeilles se mettaient sur cette dernière pour attraper le frelon asiatique et éviter qu’il n’entre dans la ruche. » Sans cette planche, les abeilles n’ont pas d’appui et ne peuvent pas se regrouper pour étouffer les frelons. En les étouffant, la chaleur corporelle du frelon augmente et ce dernier meurt. « Les frelons ne résistent pas à une chaleur supérieure à 45° C », confirme Pierre Mansier.
Entre la propagation rapide, le manque de prédateurs et la fragilité des abeilles mellifères, le frelon asiatique a toute la place pour se développer en France. Depuis 2012, l’État l’a classé comme danger sanitaire de catégorie deux. Cela signifie que la mise en place de stratégies de lutte contre ce dernier n’est pas à la charge de l’État mais à celle des collectivités locales.
« L’État a voulu se débarrasser du financement de la destruction des frelons asiatiques. C’est pas que ce n’est pas un danger primordial, mais c’est une question financière », dénonce Pierre Mansier. Sur chaque commune, la prise en charge de la destruction de nids est différente. Il y a des communes qui prennent tout en charge, des communes qui prennent en charge la destruction du nid seulement si celui-ci est situé dans un lieu public, et d’autres qui ne s’en soucient pas du tout. « Détruire un nid, cela représente un coût », précise Benoît du Reau.
À Vichy, la prolifération des frelons asiatiques est un réel problème à cause de la présence importante d’arbres hauts. En effet, les frelons apprécient de faire leur nid en hauteur. Grâce aux ruchers pédagogiques, Benoît du Reau sensibilise les élus à cette question. « Les personnes qui s’occupent des espaces verts sont sensibilisées. Quand elles voient un nid de frelons, il y a un service au sein de la mairie qui détruit les nuisibles », déclare-t-il. L’année dernière, la ville de Vichy a détruit dix-sept nids. Sachant que dans chaque nid, il y a un peu près 17 000 frelons.
Destruction des nids
Pour lutter au mieux contre ces prédateurs, les personnes peuvent mettre en place des pièges. « Il existe un piège avec des trous d’une dimension bien particulière pour attraper seulement les frelons. On met en appât de la bière, du sirop de grenadine, du vin blanc », expose Benoit du Reau. Mais Pierre Mansier met en garde, ces pièges ne peuvent pas être posés par n’importe qui. Les appâts peuvent varier suivant la saison et il faut que les pièges soient positionnés à des endroits stratégiques.
Une fois un nid repéré, il faut le détruire. Pour cela, il existe plusieurs moyens. « Dans l’Allier, il y a des tas de destructeurs de nuisibles, qui sont des entreprises qui ont les autorisations de détruire les nids », explique Pierre Mansier. Le groupement de défense sanitaire apicole de l’Allier, participe à la destruction des nids avec des règles un peu plus strictes. « On essaye dans 95 % des cas d’agir sans insecticide et de nuit. Le frelon asiatique ne vole pas de nuit, dès la tombée du soleil, il rentre au nid », déclare le vice-président.
Menace pas seulement pour les abeilles
Pierre Maniser l’assure, le frelon n’est pas un insecte agressif. Cependant il peut attaquer s’il sent que son nid est attaqué. « Le jeune qui taille sa haie et qui arrive près du nid, le frelon sent ça comme une menace et va attaquer en nombre », explique-t-il. Sachant que le frelon peut voler jusqu’à 50 km/h, l’attaque peut être fulgurante.
Le frelon asisatique pose aussi problème dans le secteur de l’agriculture. « Quand les frelons ont besoin de sucre, ils s’attaquent aux prunes, aux raisins et aux pommes. Ils peuvent faire énormément de dégâts dans un verger », ajoute Pierre Mansier.
Jade Belleville