Rock around the Conservatoire à Cusset

Par Ninon LUCAS

Le conservatoire de Cusset ouvrait ses portes vendredi 31 janvier, l’occasion pour les visiteurs de découvrir que les guitares électriques, les basses et autres batteries ont pris possession d’un établissement plus rock que jamais.

Les adultes du conservatoire jouent dans leur salle de classe : la chanteuse est accompagnée de guitares, basse et batterie.
Vendredi 31 janvier, les élèves de la filière Musiques actuelles ont fait résonner le rock au conservatoire de Cusset, alors que ses portes étaient ouvertes aux visiteurs. Crédit : Ninon Lucas

« Ce n’est pas le conservatoire poussiéreux, avec le directeur qui a un piano à queue dans son bureau. » Fabrice Melin, directeur du conservatoire de Vichy Communauté, à Cusset, nous a prévenus. En poste depuis juillet 2023, le fonctionnaire est déjà à l’initiative de nombreux projets pour dynamiser l’école. L’une des politiques de son administration est notamment de développer la filière Jazz – Musiques actuelles amplifiées – un doux euphémisme pour désigner des trépidations potentiellement très électriques.

« Le conservatoire, ce n’est pas que du classique », confirme à demi-mots Delphine, élève du conservatoire. Micro à la main, prête à chanter, elle attend patiemment son tour pour faire trembler les murs de l’établissement avec sa formation rock, à l’occasion de la Nuit des Conservatoires. Les portes de l’école ont été ouvertes pour la soirée, ce vendredi 31 janvier, et de nombreux visiteurs sont venus écouter les performances des apprentis musiciens.

La salle 210 est consacrée aux musiques actuelles. Les quatre niveaux de la filière vont s’y relayer toute la soirée avec un programme exclusivement rock, pour le plus grand plaisir du public. Ce genre musical est très populaire et tient une place toute particulière au sein du conservatoire. À Cusset, la filière Musiques actuelles est nouvelle, puisqu’elle a été créée en 2019. C’est également cette année-là que les écoles de musique de l’agglomération ont fusionné pour former le conservatoire.

« Les conservatoires développent les musiques actuelles. » Damien Aumaitre, professeur de batterie.

« Avant, Vichy c’était surtout du classique. Mais les musiques et les écoutes évoluent, alors les conservatoires se sont ouverts et développent les musiques actuelles », explique Damien Aumaitre, musicien et professeur de batterie au conservatoire. À la naissance de la filière, des ressources ont été mobilisées pour « en faire un département à part entière », grâce à l’achat de matériel.

« Le directeur a la volonté de faire perdurer et de développer le département », ajoute David Mary, également musicien et professeur de guitare électrique.  Il explique : « On est très équipés, avec une salle de musique assistée par ordinateurs, une salle de répétitions insonorisée, un studio d’enregistrement… et régulièrement de nouveaux investissements sont faits dans du matériel. » Pour preuve, grands amplis, batterie et autres instruments ont été fièrement exhibés à l’œil du public durant toute la soirée.

Le rock, toujours en vogue

Le rap et la pop ont été très popularisés ces dernières décennies. Pour autant, « le rock, c’est ce qui marche le mieux », selon David Mary. Plus de 60 élèves sont inscrits en Musiques actuelles, enfants et adultes : beaucoup d’entre eux jouent prioritairement du rock. Les mouvements musicaux actuels descendent du Jazz, et ont beaucoup en commun. « Tout est lié. On voit des rythmes très utilisés dans le rock avant de passer à des rythmes de rap par exemple », affirme Damien Aumaitre. Ainsi, les élèves de la filière ont tous déjà joué du rock, quel que soit leur genre de prédilection.

« Avec le rock, on entre dans un univers plus technique. » David Mary, professeur de guitare électrique.

Les professeurs expliquent aussi que beaucoup d’artistes de musiques actuelles, comme les rappeurs, développent leur art majoritairement hors des circuits de formation traditionnels. « Un guitariste qui veut jouer de la pop n’a pas besoin de nous pour la lui enseigner. Avec le rock, les solos et tout ça, on entre dans un univers plus technique », précise David Mary. L’apprentissage de cette musique engage plus souvent l’intervention d’enseignants professionnels.

Pour autant, ce sont surtout les sonorités et la puissance de cette musique qui attirent les fans au conservatoire. « Jouer du rock, ça crée une grosse ambiance », affirme Gaëtan, 11 ans, qui vient de terminer sa prestation à la Nuit des Conservatoires. Il suit des cours de basse et vient de jouer avec un groupe de musiciens de son âge. « Le fait d’être en groupe, c’est incroyable », ajoute Alban, 13 ans, joueur de guitare électrique.

Les enfants comme les adultes ont fait preuve d’une énergie flamboyante sur chacun des morceaux interprétés. Le même discours se retrouve chez les professeurs, musiciens professionnels, comme Damien Aumaitre : « J’aime cette musique, elle me donne de l’énergie. Elle a une puissance que d’autres styles n’ont pas ».

Un atelier métal

Dans la salle 210, les quatre premières formations rock ont laissé place à « l’atelier métal ». Au programme, des morceaux plus durs et distordus, de Metallica ou encore des Deftones. Trois guitaristes, un bassiste, un batteur, et surtout une chanteuse. Les cours de chant sont nouveaux dans la filière Musiques actuelles. Ils sont ouverts depuis un peu plus d’un an.

Cette évolution contribue au développement du département, mais permet surtout d’attirer des élèves. « C’est une approche plus moderne que le chant classique. Ça correspond mieux à ma culture musicale », affirme Delphine en terminant ses reprises rock. Elle est persuadée que la filière Musiques actuelles est vouée à se développer encore. « La professeure est plus axée jazz, ce qui est intéressant au niveau de la technique vocale. Les harmonies sont beaucoup plus poussées, c’est très formateur », précise Marc Simon, professeur de basse et musicien. Pour l’atelier métal, la chanteuse a apporté son propre style, avec un scream -en d’autres termes, un hurlement d’outre-tombe- pour terminer la prestation en beauté.

Les enseignements ont pour vocation de développer la créativité des élèves. « La démarche est artistique », déclare David Mary. Le dernier cycle d’apprentissage est entièrement dédié à la composition et à la réalisation d’un projet personnel. « La plupart des inscrits sont de très bons amateurs », rappelle Fabrice Melin. Peu d’élèves ont pour objectif de se professionnaliser.

Projets rock

Le conservatoire leur offre un panel de projets dans lesquels s’épanouir, y compris en rock. En 2019, les professeurs ont conduit la réalisation de la pièce Atom Heart Mother, des Pink Floyd. « C’est un morceau qui dure 23 minutes. On a récupéré les partitions et les samples », précise Marc Simon. Ce dernier était en contact avec l’arrangeur ayant travaillé avec le groupe. « Ça représentait près de 80 musiciens sur scène. On a joué dans l’opéra de Vichy, qui était plein », déclare le professeur, un brin de fierté dans la voix. Le rock a donc pu être largement mis en avant, y compris auprès des autres filières, puisque le morceau dispose d’arrangements pour « orchestre de cuivres, violoncelle solo et chœur ».

« On n’apprend pas à jouer de la guitare en la laissant accrochée au mur. » David Mary, professeur de guitare électrique.

Les cours qui composent la filière musiques actuelles tournent surtout autour d’instruments très souvent associés pour former un groupe de rock, comme la batterie, la guitare électrique et la basse. « La batterie est très demandée, on se retrouve avec 30 élèves en liste d’attente », déclare Damien Aumaitre. Concernant la guitare électrique, David Mary explique : « C’est un instrument populaire, toujours aussi séduisant parce qu’on le voit un peu partout et qu’il est très visuel. Mais il nécessite du travail : on n’apprend pas à jouer de la guitare en la laissant accrochée au mur. »

La basse est également un instrument très important dans un morceau de rock, mais moins connu, et donc moins populaire. « Il faut déjà arriver à l’entendre, la repérer dans la musique », précise David Mary. Le professeur de guitare est régulièrement témoin de changements de parcours chez des jeunes guitaristes qui préfèrent passer à la basse lorsqu’ils apprennent à connaitre l’instrument. Marc Simon confirme qu’il s’agit d’un « instrument de l’ombre »« La basse est un peu plus exigeante musculairement, elle peut vite faire mal si on ne joue pas bien ou trop fort », explique-t-il, avant d’ajouter qu’il s’agit « sûrement de l’instrument le plus important dans une formation rock ».

Les cours de rock devraient bientôt être relocalisés, ainsi que le département de Musiques actuelles, sur le site de Saint-Yorre. Ceci permettrait à l’avenir « d’avoir un bâtiment spécialement conçu pour cette esthétique », projette Fabrice Melin.

Ninon Lucas