Eurovision 2026 : une édition plus politique que jamais ?
Par Camille LE GUEN
La prochaine édition de l’Eurovision, plus grand concours de chant au monde, se tiendra le 16 mai 2026 à Vienne en Autriche. Mais le déroulement de cette 70e compétition annuelle pourrait ne pas se dérouler comme d’ordinaire. Depuis début septembre, cinq pays ont annoncé ne pas participer à l’émission si Israël n’en est pas écarté.

Ljubljana, 4 septembre 2025. La chaine publique slovène RTVSLO annonce que la Slovénie se retirera de l’Eurovision 2026 si la participation d’Israël au concours est validée. Dans les huit jours qui suivent, trois autres pays et leurs diffuseurs officiels de la compétition s’alignent sur la décision slovène. L’Islande, l’Irlande et les Pays-Bas annoncent tous boycotter la prochaine édition de l’Eurovision si Israël n’en est pas exclu.
Madrid, 16 septembre 2025. La RTVE, chaine de télévision nationale espagnole, affirme qu’elle boycottera elle aussi la compétition si l’État hébreu n’en est pas écarté. La veille, le ministre de la culture espagnol déclarait : « Nous devons faire en sorte qu’Israël ne participe pas à la prochaine édition de l’Eurovision […] si nous [n’y] parvenons pas, l’Espagne ne doit pas y prendre part. »
Cet automne, l’Eurovision voit ainsi une mobilisation inédite se développer contre la participation d’Israël au concours, de nombreux autres pays affirmant en outre réfléchir à la possibilité d’un boycott. Tous dénoncent la participation en grande pompe de l’État qui mène une guerre ultra-meurtrière à Gaza. Pour rappel, l’ONU utilise le terme de génocide pour qualifier la situation subie par les Gazaouis.
Quand les Big Five s’en mêlent
Question chiffres, l’Eurovision est le programme musical qui bat tous les records. En 2025, le concours a rassemblé 166 millions de téléspectateurs à travers le monde. C’est l’événement culturel le plus suivi à travers le globe car cette année, pas moins de 37 pays avaient les yeux rivés sur leurs écrans.
Une grande partie de ce succès peut être attribuée à quelques pays qui, à eux seuls, amassent foules et financements. Dans le jargon de l’Eurovision, ils portent un nom : les Big Five. Ce groupe d’élite est composé de l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, la France et la Suisse. Ces cinq pays sont, chaque année, d’office qualifiés pour la grande finale. Pourquoi ? Parce qu’ils sont les plus gros contributeurs financiers de l’Union européenne de radio-télévision (UER), l’organisme organisateur du télécrochet.
En annonçant son possible retrait – et celui de ses financements – en vue de l’édition 2026 si Israël en est, l’Espagne met le couteau sous la gorge de l’UER. L’organisateur, qui a pourtant exclu la Russie du concours en 2022, refusait jusque là de se positionner sur le dossier des violences à Gaza. Sous la pression de Madrid, l’UER a finalement indiqué qu’elle soumettrait l’exclusion d’Israël au vote de son assemblée générale, dont la prochaine réunion est attendue en décembre.
La France attendue au tournant
Fin septembre, France Télévision, organisateur de l’Eurovision France et diffuseur français de l’Eurovision, ne s’était pas encore positionné. Une situation critiquée par les militants défendant les Gazaouis. « J’ai l’impression que la France ne sait pas prendre position. Je ne comprends pas pourquoi personne ne veut prendre parti, se désolait ainsi Maëlys, rencontrée à Vichy lors d’une manifestation en soutien à Gaza. Le concours devrait faire un choix. C’est incohérent de laisser Israël concourir alors que la Russie a été bannie. »
Pour d’autres Vichyssois cependant, la question semblait plus complexe. « Je comprends que l’Eurovision est l’un des évènements les plus regardés au monde et que c’est important de prendre position, commentait ainsi Yanis, 23 ans. Mais c’est compliqué. Est-ce juste d’exclure un pays comme ça ? Après, vu ce qu’il se passe il faut faire quelque chose. » Pour d’autres, la grand-messe de la chanson européenne n’est pas le cénacle de controverses politiques. « L’Eurovision est un concours de chant, pas un meeting politique. Ce n’est pas la place pour de la politique, faisait ainsi valoir un passant souhaitant conserver l’anonymat. Israël ne devrait pas être exclu pour ça. »
Très politique, comme toujours (ou presque)
L’Eurovision a été créée il y a 70 ans, à la sortie de la seconde guerre mondiale. Derrière ce concours de chant international, la volonté affichée était de rassembler les peuples européens meurtris par la guerre.
Depuis ses débuts, de nombreux gestes sont venus ponctuer les différentes éditions de la compétition. Par exemple, en 1969, l’Autriche s’était retirée de la course au trophée car c’était l’Espagne qui organisait le concours. La délégation autrichienne s’opposait fermement aux politiques du dictateur Franco, alors au pouvoir à Madrid.
En 2022, la Russie a été exclue de la compétition du fait de la guerre menée sur le sol ukrainien. Si, aujourd’hui, l’exclusion d’Israël est discutée sur le même principe, la mobilisation est en revanche inédite. Il n’est jamais arrivé dans l’histoire de l’Eurovision qu’un tel nombre de délégations annoncent boycotter le concours.
2026 sera-t-elle l’année de l’exclusion d’Israël pour la guerre que le pays hébreu mène à Gaza ? Affaire à suivre.
Camille Le Guen