À Vichy, un bus au service de la santé pour tous

Par Angèle NIVOL

À Vichy, dans l’Allier, un bus pas comme les autres sillonne depuis 2023 les routes de l’agglomération. Son nom : le Mobil’Santé. À son bord, une équipe de professionnels et de bénévoles qui vont à la rencontre des habitants les plus isolés. Dans un territoire où les médecins se font rares et où la précarité s’installe, le Mobil’Santé s’impose comme une réponse concrète à la question : comment garantir à chacun le droit fondamental à la santé ?

Des étudiants font la queue afin de bénéficier du dépistage dentaire proposé par le Mobil'Santé.
Le Mobil’Santé en permanence à l’IUT de Vichy le 6 novembre, pour une opération de dépistage dentaire. Crédit : Angèle Nivol

À Vichy, la cité thermale par excellence, classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO, on pourrait penser que les habitants n’ont aucune peine à se soigner. Pourtant, derrière cette image se cache une réalité bien différente : un désert médical qui s’étend, des médecins généralistes vieillissants, des patients sans solution de suivi, et une précarité de plus en plus visible. C’est dans ce contexte qu’est né le dispositif Mobil’Santé, un bus itinérant de soins et d’écoute, devenu en quelques années un acteur essentiel du territoire.

Une équipe polyvalente

Le Mobil’Santé regroupe une équipe de dix professionnels aux profils divers : une conseillère en économie sociale et familiale, un psychologue, une secrétaire, un chauffeur-animateur sportif, deux médecins retraités employés, trois infirmières – dont une coordinatrice – accompagnées d’une bénévole, ainsi qu’un dentiste bénévole. Cette diversité de parcours constitue la grande force du dispositif. Chacun apporte une expertise spécifique, nourrie d’expériences multiples dans la santé, le social ou l’accompagnement des publics fragiles.

Le résultat d’une politique d’« aller-vers »

Le Mobil’Santé s’inscrit dans une politique nationale d’« aller-vers ». Après une phase expérimentale en 2022, le dispositif a obtenu son autorisation d’exercice et de financement en novembre 2023. Son objectif est clair : réduire les inégalités d’accès aux soins en allant directement à la rencontre des habitants.

Sur l’agglomération de Vichy, cette mission prend tout son sens. Le territoire présente de fortes disparités : certaines communes, comme Le Mayet-de-Montagne, disposent d’une offre médicale correcte, tandis que d’autres, plus isolées, sont « mal loties ». Le nombre de cabinets médicaux ne reflète pas à lui seul la réalité : encore faut-il que les habitants soient en mesure de s’y rendre, ce qui n’est pas toujours le cas en raison de problèmes de mobilité, de santé ou de précarité.

Le dispositif agit en complément des structures classiques : il ne remplace pas le médecin traitant, mais fait le relais vers les soins. « Lorsqu’un patient est accompagné par Mobil’Santé, c’est généralement parce qu’il fait face à des difficultés sociales, psychologiques ou d’accès aux soins : impossibilité de consulter son médecin traitant, problèmes de mobilité, situation de précarité, etc. », affirme Jessica Cronier, coordinatrice du Mobil’Santé. Le bus n’a pas vocation à se substituer aux structures existantes, « il intervient pour faciliter le retour des patients vers les dispositifs en place et vers le droit commun », ajoute-t-elle.

Tous les services proposés par le Mobil’Santé sont gratuits. Le dispositif bénéficie du soutien financier de l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes et de Vichy Communauté. Le bus est aménagé pour proposer des consultations de médecine générale et des dépistages. Il peut également être mobilisé lors d’actions de prévention, comme celles menées durant le « Mois sans tabac » ou « Octobre Rose ».

Mais la vocation du dispositif dépasse largement la consultation médicale. « On accompagne une personne à un rendez-vous, on aide à réouvrir ses droits, à refaire un lien avec un médecin », explique Catherine Clautrier, infirmière. « Parfois, il faut juste écouter. On a le temps, et on prend le temps. »

Sur le terrain, les besoins sont immenses : ordonnances à renouveler faute de suivi, patients âgés angoissés à l’idée de ne plus avoir de référent, situations de précarité profonde. Le bus devient alors un point d’appui pour rétablir une continuité là où le système de soins s’est essoufflé. « Les orientations viennent parfois d’un voisin, d’un travailleur social, d’un professionnel libéral… raconte la coordinatrice. On reçoit une fiche de demande de prise en charge, et on organise une première rencontre avec le patient. » Le Mobil’Santé intervient aussi à la demande des mairies pour des actions au sein de leur commune et sur sollicitation des épiceries solidaires, des associations tutélaires, des structures sociales, des CADA…  

Une équipe dynamique en constante évolution

En 2024, l’équipe s’est déplacée sur 22 des 39 communes du territoire, adaptant ses actions selon les besoins remontés du terrain. Chaque mission fait l’objet d’un bilan partagé avec les élus locaux, afin d’évaluer la pertinence et l’impact du dispositif. Ce projet n’est unique. L’ARS a créé de nombreux bus mobiles.  « On commence à créer un lien avec les autres équipes mobiles pour échanger, indique Jessica Cronier. Mais elles ne ressemblent pas toutes à celle de Vichy. Une telle diversité des profils est une chance ».

Parallèlement, l’équipe continue de se former : lutte contre les punaises de lit, accompagnement des personnes vivant avec le syndrome de Diogène (il s’agit d’un trouble du comportement conduisant à des conditions de vie négligées, voire insalubres), connaissance du cadre juridique du signalement des maltraitances. De quoi se sensibiliser à toutes les problématiques qui pourraient se présenter à eux.

Un défi de santé publique

Le cas de Vichy illustre les défis auxquels font face de nombreux territoires français. L’accès aux soins n’est plus seulement une question de distance, mais d’inégalités sociales et territoriales. Le Mobil’Santé agit comme un révélateur de ces fractures et comme un outil concret de lutte contre le renoncement aux soins.

Dans une société où les patients peinent à trouver un médecin, où la solitude s’installe, et où les fractures sociales se creusent, le bus de Vichy rappelle qu’aller vers les autres est parfois le premier soin à offrir.

Angèle Nivol