Cesam : le refuge médicalisé pour reconstruire des vies

Par Inès MEHIRIS

En octobre dernier, l’association CeCler a inauguré un nouveau centre d’accueil d’urgence médicalisé à Clermont-Ferrand. Un lieu de refuge pour les personnes en situation de grande précarité, qu’elles soient sans domicile fixe ou atteintes de maladies chroniques ou incurables. Cinq mois plus tard, qu’en est-il de ce lieu qui se veut être un accompagnement médico-social solide ?

Un lit d'une chambre de centre d'accueil.
Le centre Cesam est ouvert depuis octobre dernier. Crédit : Inès Mehiris

Des cheveux poivre et sel, une barbe de quelques jours, Stéphane I. est assis sur son nouveau lit. Il occupe une des cinquante chambres du bâtiment Cesam. « C’est les aléas de la vie. Je me suis séparé de ma compagne il y a un mois et je n’avais aucune solution d’hébergement. Mon fils habite loin, ma fille ne me parle plus, alors, c’est vrai que cette solution est agréable. » Addictions aux drogues, déboire amoureux, l’homme est cabossé par la vie. Il a pu trouver refuge dans ce centre d’accueil où il soigne ses différentes addictions et s’occupe de démarches administratives afin de reprendre le travail. Stéphane espère quitter cette chambre bleue pour s’épanouir en tant que cariste.

S’il peut bénéficier de ce suivi jusqu’à l’autonomie, c’est grâce au Cesam, le Centre d’écoute de soutien d’accompagnement et de médicalisation, inauguré en octobre dernier. Ce centre s’occupe spécifiquement des plus vulnérables, en leur offrant un soutien adapté à leur situation, que ce soit en matière d’emploi, de logement, de santé ou d’accès aux droits grâce à trois services.

Le CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale) propose un hébergement et un accompagnement pour aider les personnes en situation d’exclusion à se réinsérer socialement. Le LHSS (lits halte soins santé) est destiné aux personnes en grande précarité souffrant de maladies chroniques. En plus des infirmières sur places, il fonctionne en partenariat avec des médecins et le CHU de Clermont-Ferrand. Enfin, les LAM (lits d’accueil médicalisé) accueillent des personnes pour lesquelles le diagnostic est dit pessimiste, assurant un accompagnement médico-social, notamment pour les fins de vie.

Ce nouvel espace est organisé et mis en place par l’association CeCler (ce nom correspond à l’abréviation des deux communes où était implantée l’association à son origine : « Cé » pour Cébazat et « Cler » pour Clermont-Ferrand). L’association est un acteur majeur de l’action sociale dans le département. Avec ses 150 salariés et une quinzaine de services, elle accompagne chaque année près de 5 000 personnes en difficulté.

Un suivi au quotidien

Ce nouveau centre, sorti de terre il y a cinq mois, propose des chambres adaptées et un cadre de vie propice au rétablissement pour un maximum de 50 résidents. Loin d’être un simple lieu de passage, il vise à offrir à ses résidents un environnement où ils peuvent se reconstruire.

L’accompagnement ne se limite pas aux soins médicaux. L’équipe du centre s’assure du bien-être psychologique des résidents en leur offrant un cadre de vie chaleureux, où ils peuvent se sentir « comme chez eux, c’est important pour leur faire oublier toutes leurs galères », explique Karine Vaz Ribeiro, la maîtresse de maison. Elle joue un rôle clé en veillant à la gestion du quotidien et au bien-être des résidents. Activités, sorties ou encore bénévolat, les résidents ont le choix et sont souvent conviés à des réunions où ils sont à l’initiative des prochains événements du centre Cesam.

Au-delà de l’accompagnement quotidien, l’objectif est aussi de préparer l’après. Peu importe la durée du séjour, chaque passage ici marque une étape importante dans leurs parcours vers une vie meilleure. Cindy Jallet fait partie des quatre travailleurs sociaux de la structure. Dans son bureau, où l’on aperçoit les reliefs de la région, elle reçoit les résidents pour un accompagnement spécialisé. « Actuellement j’accompagne 18 personnes. On travaille sur le logement, le droit au RSA, les titres de séjours ou la réinsertion professionnelle. »

Une équipe pluridisciplinaire au service des résidents

Le bon fonctionnement de cette structure repose sur une équipe engagée et pluridisciplinaire. Caroline Marchesseau et Éléa Martin, deux des infirmières du centre, s’occupent de faire le lien avec les partenaires médicaux, comme le CHU, et des parcours de soin. Mais pas seulement ! « Notre rôle ne se limite pas au médical, on participe aussi à la vie sociale des résidents. Quand on est infirmière ici on est multitâche », déclare Caroline, le sourire aux lèvres.

Un esprit de solidarité qui ravit les résidents comme Sangope D. Crâne rasé, un sourire éclatant ne le quitte jamais. « Ici on est une famille, on mange ensemble, on discute, on trouve des amis », témoigne le quadragénaire. En 2020, à cause du stress causé par le coronavirus, l’homme, qui a quitté sa terre natale, le Sénégal, pour la France, a sauté du troisième étage d’un bâtiment. Il est aujourd’hui handicapé du pied droit mais cela ne lui enlève pas pour autant la joie de vivre qu’il a fini par retrouver. Sangope participe à toutes les activités proposées par le centre Cesam et fait du bénévolat à Volvic. Son but à terme est de devenir aide-soignant pour aider à son tour. « Je veux rendre l’aide qu’on m’a donnée », résume-t-il

L’accompagnement de la structure représente une étape cruciale pour ceux qui y séjournent. C’est le cas pour « Davy Crockett » un homme grand, brun, vêtu de noir et qui porte un animal empaillé en guise de chapeau. Il explique sa situation, confortablement assis sur l’un des fauteuils de la salle de vie commune. « J’occupe une chambre à Cesam depuis quelques semaines en attendant de retrouver mon permis, pour pouvoir de nouveau rendre visite à mon fils ». Il confie qu’à terme, il souhaite retourner vivre dans sa maison et créer une association à but non lucratif pour les jeunes de la campagne. 

Cesam représente un véritable tremplin pour ceux qui ont besoin de retrouver une place dans la société et de construire un avenir stable.  Une main tendue qui ne s’oublie pas. Madeline Huant, la conseillère en économie sociale et familiale, raconte, tout sourire, recevoir des appels d’anciens résidents et « certains passent même nous faire un petit coucou et boire un café ».

Inès Mehiris